Critique de Julie Carpentier

[Critique de l’exposition abstractions concrètes – DNA du 21/01/2011]

Frédéric Caillard expose à la galerie Art Tendence à Kehl « Les abstractions concrètes ». Le titre nous met sur le chemin de la rencontre des contraires et, au delà, d’une possible réconciliation de ceux-ci.

Pour sa première exposition personnelle, Frédéric Caillard, né à Schiltigheim il y a trente-cinq ans, présente une série d’oeuvres forcément hors cadre puisqu’elles représentent des territoires, des régions, des états, aux frontières définies par la nature comme celles de la Corse, par les guerres comme celles de l’Alsace ou par un découpage géométrique comme celles des états américains.

Le sujet est nouveau et cet ingénieur thermicien, conférencier en histoire de l’art, autodidacte en peinture, propose dix-neuf pièces images de territoires interprétées par un décloisonnement des pratiques (peinture, gravure, sculpture), des tonalités et des matières.

Découpé à la scie, le contreplaqué est recouvert de couleurs d’huile épaisse qui, grattée laisse apparaître des bulles d’air, puis une seconde couche plus foncée qui sera essuyée découvrant des tons clairs, enfin la troisième au rouleau et au couteau, révèlera presque au sens photographique, en trompe- l’oeil, l’écorce de ce bois qui ne fut jamais celle d’un tronc. Chaque pièce par sa forme, ses cicatrices, sa couleur interroge. Pourquoi la Corse dorée semble-t-elle bâillonnée? Pourquoi Nevada et Arizona ne sont-ils que les pièces d’un immense puzzle? Que valent les frontières naturelles ou humaines? Y-a-t-il une réalité identitaire ? Pour comprendre l’intérêt de ces oeuvres, citons Claude Lévy-Strauss qui dans «La pensée sauvage» écrit que «tout modèle réduit a vocation esthétique». Par la réduction d’échelle, l’intelligence et la sensibilité s’en trouvent gratifiées.

Julie Carpentier